Genève

Une vente de bijoux à Genève crée une polémique mondiale

04.05.2023 18h05 Delphine Palma

bijoux

C’est LA collection de bijoux la plus prestigieuse jamais mise aux enchères; bracelet de diamant, collier en émeraude et autre briolette portée par Catherine de Médicis… 700 pièces de joaillerie de la collection Heidi Horten sont vendues en ce moment par Christie’s à Genève. Des bijoux d’exception, mais dont l’origine fait grincer des dents. La fortune de la famille Horten remonte aux heures les plus sombres de l’histoire allemande.

Un diamant porté par Diane de Poitiers et Catherine de Médicis. Une bague de rubis et diamant estimée a près de 18 millions de francs et quelques 700 bijoux issus des plus prestigieux joailliers. La vente aux enchères de la collection Heidi Horten a de quoi faire rêver…

Passé dérangeant

Mais la rêverie a ses limites, car l’une des plus grandes ventes de bijoux de l’histoire est assombrie par l’ombre du nazisme. Le mari de Heidi Horten, un richissime homme d’affaires allemand, a fait fortune dans les années 1930. 

Pour l’historienne Sandrine Kott, l’origine nazie de la fortune de la Helmut Horten est claire, mais le passé dérangeant du richissime businessman ne s’arrête pas là.  « Il a adhéré au parti nazi en 1937 et a bénéficié de l’aryanisation des biens juifs. Mais il faut se souvenir aussi qu’en 1970, il est parti en Suisse en devenant un exilé fiscal, sans payer les impôts qu’il devait en RFA. Il a même falsifié un document en barrant la partie « aryanisation » pour réécrire son histoire de manière positive. »

Question éthique et pas juridique

Dès lors, la question se pose: des objets acquis grâce à de l’argent entaché par le nazisme doivent-ils continuer à circuler librement sur le marché? Pour le professeur Renold, spécialiste en droit de l’art, cette vente est totalement incontestable juridiquement, mais un peu moins ethiquement. « Ce n’est pas comme s’il y avait des objets spoliés dans la vente. Là, il existe des procédures », détaille Marc-André Renold. « Par contre, travailler avec des objets acquis grâce à des fonds de provenance douteuse, reste problématique sous l’angle éthique. Mais je ne vois pas de contestation [juridique] possible. »

Œuvres philanthropiques

La vente est en cours chez Chrisitie’s à Genève jusqu’au 15 mai. Face à la polémique jusque dans les colonnes du New York Times, la maison de vente nous répond par écrit. «Christie’s n’a jamais eu l’intention de cacher des informations sur le passé, bien documenté de M. Horten» précise le CEO Guillaume Cerutti.  «Nous avons rajouté sur notre site internet et sur les documents de la vente, des informations pertinentes pour s’assurer que les faits soient clairs pour tous».

Le produit de la vente ira à la fondation Heidi Horten et à des actions philanthropiques. Christie's, lui, reversera une partie des commissions à une organisation qui travaille sur l’Holocauste, sans préciser le pourcentage. La vente est estimée à 150 millions de dollars, un montant jamais atteint pour une collection de bijoux.