Genève

Villa Zep: «On s'est un peu fait avoir»

21.01.2025 17h56 Laure Lugon Zugravu

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La polémique autour de l’achat de la villa Zep enfle. Léman Bleu révélait hier que l’existence d’un deuxième acheteur était un argument commercial destiné à conclure la vente au plus vite. La gauche et le MCG se défendent d’avoir été mis sous pression pour voter le crédit. A droite, on juge avoir été floué. Il circulait à l'époque des rumeurs farfelues sur de potentiels acheteurs saoudiens, qui n'auraient pas manqué de parcourir, en armes, les jardins de la villa.

La classe politique en Ville de Genève s’écharpe depuis des semaines sur l’acquisition de la «villa Zep». Les nouveaux éléments révélés lundi par Léman Bleu ne sont pas de nature à remettre de la sérénité dans le débat.

En novembre, les élus municipaux favorables à l’achat mettaient la pression pour faire voter le crédit de 21,5 millions. Argument invoqué: l’existence d’un privé prêt à acheter la «campagne Masset», ce qui priverait la population d’un nouveau parc à caractère unique. Or il s’avère que cet autre acquéreur était un argument de vente. Le dessinateur comptait en effet sur la vente de son domaine pour pouvoir acquérir une maison à Bellevue, disputée par un autre acheteur.

«Il s’agissait plutôt de dire: acheter ce poumon de verdure est intéressant»

Contactée, l’artisane du projet sur la «Campagne Masset», Yasmine Menétrey (MCG), a d’abord accepté l’invitation de Léman Bleu, avant de se décommander dans la foulée, au motif d’une méchante grippe.

Le conseiller national MCG Daniel Sormanni, en revanche, a tenu à défendre ce dossier. Il ne nie pas la possibilité d’un bluff commercial classique. Mais cette éventualité n’est pas de nature à tempérer son enthousiasme, puisque l’intérêt de cette acquisition, pour lui, est ailleurs: «La motivation n’était pas de dire: parce qu’il y a un acheteur privé, il faut l’acheter. Il s’agissait plutôt de dire: acheter ce poumon de verdure est intéressant car il est situé dans un quartier dense amené à être encore plus densifié.» 

«Vous imaginez des gens d’Arabie Saoudite, en plus avec des armes? Alors ça, la gauche n’en voulait pas!»

Toujours est-il que les élus municipaux discutaient d’un deuxième acheteur - sans doute fantomatique. Conseillère municipale PLR, Michèle Roullet se souvient des rumeurs farfelues qui circulaient à l’époque dans les travées, poussant les élus à l’action rapide: «On a même entendu que l’acheteur venait d’Arabie Saoudite, que véritablement ce serait dommage que la Ville de Genève ne l’achète pas, car ce serait une maison fermée toute l’année ou occupée seulement quinze jours par an avec des gens armés dans le parc pour assurer la sécurité des propriétaires: cet argument a donné l’impulsion pour acheter le plus vite possible. Vous imaginez des gens d’Arabie Saoudite, en plus avec des armes? Alors ça, la gauche n’en voulait pas!»      

Fantasme saoudien ou pas, ces nouveaux éléments amènent de l’eau au moulin des élus hostiles à cet achat et qui ont lancé le référendum. Yves Herren, conseiller municipal indépendant et président des Vert’libéraux Ville de Genève, avait fait une demande de report de débat lors de la séance plénière du 27 novembre. Sans succès. Il déplore la précipitation du vote: «Si cela avait été repoussé en janvier, on en aurait parlé dans le calme. Il n’y aurait peut-être pas eu de référendum, car nous aurions pu étudier le tout avec un rapport à lire un mois avant. J’aurai peut-être voté pour. Mon sentiment est que la majorité favorable à ce projet a voté avec un œil fermé et un bras dans le dos. Un œil fermé, de ne pas avoir ce rapport et un bras dans le dos à cause d’un timing accéléré. On s’est un peu fait avoir, à mon avis.» 

Un avis pas du tout partagé par Joëlle Bertossa, candidate au Conseil administratif: «Le parti socialiste n’a pas demandé l’urgence pour cet objet. C’est le bureau du Conseil municipal qui a décidé de le mettre en haut de l’ordre du jour pour qu’on le traite rapidement. Ce dossier a été traité en commission comme tous les autres.» 

Si l’achat de la Villa Zep fait rêver les uns et rugir les autres, il n’a pas suscité le même enthousiasme au niveau de l’Etat. Le canton avait en effet renoncé à entrer en matière sur l’éventualité de cette acquisition. Quant à l’exécutif de la Ville, il s’est peu mobilisé pour le défendre. Mais le référendum n’est pas encore assuré: selon nos informations, la récolte de paraphes n’atteint pour l’instant que 2000 signatures sur les 2400 nécessaires.