Genève

Villa Zep: la Ville a cédé à un coup de bluff

20.01.2025 17h37 Laure Lugon Zugravu

L’affaire de la «Villa Zep» aux Charmilles passe par Bellevue. C’est le détour qu’il faut effectuer afin de comprendre les dessous de cette saga qui enflamme Genève depuis des semaines. Un nouvel élément en notre possession montre que la Ville se serait laissé abuser par un boniment commercial, parfaitement régulier lors d’opérations immobilières, et servi par Philippe Chappuis. 

Souvenez-vous: le Conseil municipal à majorité de gauche avait expliqué avoir voté dans l’urgence un crédit de 21,5 millions de francs pour éviter que Zep ne cède son domaine à un autre acheteur, livrant ainsi le domaine historique à des privés. Mais il y a tout lieu de croire que cet acheteur n’existait pas. Voici pourquoi. 

Depuis 18 mois, Zep souhaite vendre sa demeure des Charmilles et acquérir un autre bien. En janvier 2024, le père de Titeuf est séduit par une maison à Bellevue. Il espère financer cet achat par la vente de la «Campagne Masset». Selon le contrat, dont nous avons obtenu copie, il obtient du propriétaire de Bellevue une condition suspensive: le document stipule que Philippe Chappuis a douze mois pour exécuter la vente. Dans l’hypothèse où elle ne se concrétiserait pas au bout de six mois, «la partie cédante sera alors autorisée à vendre l’immeuble à tout tiers intéressé.» Mais avec un droit de préemption en faveur de Zep pour la durée restante.

Un second acheteur rentre dans la danse

Le contrat mentionne aussi que «le financement de l’acquisition de l’immeuble étant indirectement lié à la vente de la campagne Masset, Monsieur Chappuis s'engage à informer mensuellement le propriétaire des progrès de cette mise en vente», stipule le document. Contacté, le propriétaire n’a pas souhaité s’exprimer.

L'histoire se précipite lorsque l’été dernier, un autre acheteur se présente pour la maison de Bellevue au bord du lac. Il s’agit d’une personnalité genevoise fortunée, selon nos sources. Voyant que Zep n’a toujours pas acheté le bien à la fin de l’été, l’homme signe une promesse d’achat en septembre. Le compte à rebours démarre pour le dessinateur. Contacté, il n'a pas réagi à nos sollicitations.

 La villa de Bellevue, achetée 8,73 millions de francs par Zep. Vue ici depuis la route, elle offre un accès direct et privé au lac.

Le père de Titeuf appelle plusieurs fois son concurrent pour lui signifier qu’il est à bout touchant et le convaincre de lever sa promesse d’achat. Mais les choses continuent de traîner. Ce jusqu’au 20 novembre exactement, quelques jours avant que le Conseil municipal ne vote le crédit en quatrième vitesse. Zep acquiert la villa de Bellevue, pour 8,73 millions de francs, avec un crédit relais, selon nos informations. Il y avait urgence: le délai imparti à Zep pour acheter Bellevue était à quelques jours d’échoir.

Ce calendrier interpelle. Selon notre source, personne d’autre que la Ville n’était en lice lorsqu’elle s’est précipitée opportunément pour voter le crédit. D'ailleurs, une cinquantaine de clients potentiels, dont beaucoup de traders, avaient été invités, en octobre 2023, à une soirée exclusive avec dégustation de grands crus de Bordeaux dans la villa Zep par l’agent immobilier en charge de la vente. Sans aucun résultat.

Zep suspendu au référendum

Inquiet devant l’échéance du contrat et la perspective de voir Bellevue lui filer sous le nez, Zep aurait joué de ses contacts politiques pour vendre sa villa, ce qui est de bonne guerre, selon une source. Mais du point de vue du contribuable, elle pointe la légèreté et la naïveté des élus. 

Désormais propriétaire des deux bâtiments, Zep est suspendu au référendum lancé par la droite. Si elle échoue à récolter les signatures, il pourra se débarrasser de Masset au profit de la Ville. Si elle y parvient, la vente sera repoussée aux calendes grecques. À moins qu’un acheteur ne se soit manifesté entre-temps, comme croit savoir le Matin Dimanche. Une rumeur qui a le mérite de servir les opposants au référendum. Le collectif de soutien a d’ailleurs invité par courriel, la semaine dernière, les présidents des quatre partis de droite à y renoncer. Sans succès.