Visana exclut trois cliniques privées de son catalogue
La série noire continue pour les assurés genevois. Après Sanitas, c’est au tour de Visana de mettre fin à ses accords avec les cliniques privées genevoises Hirslanden Clinique des Grangettes, La Colline et de l’Hôpital de la Tour. Conséquence: l’assureur ne couvre plus aucune prestation au titre de l’assurance complémentaire depuis le premier février dans ces établissements. Un coup dur pour les patients qui payent plus cher pour avoir le libre choix.
Pour Marie-Laure, une habitante de Carouge assurée chez Visana pour les complémentaires, la colère a fait place à la stupéfaction: «Cela fait une trentaine d'année que je paie une assurance semi-privée ainsi qu'une assurance de base auprès d'un autre assureur avec libre choix du médecin, mais comment peut-on encore parler de libre choix alors que certains médecins n'opèrent que dans une clinique spécifique? Et pourquoi devrais-je aller me faire opérer dans une clinique lausannoise?»
Contacté, Visana regrette cette situation pour les assurés concernés. Cette caisse-maladie, qui compte 1900 Genevois dans son portefeuille, assure que les discussions se poursuivent: «Mais malgré des négociations intensives, aucun nouvel accord tarifaire n’a encore été conclu pour les hospitalisations en division semi-privée et privée dans les trois cliniques mentionnées, explique son porte-parole, Josko Pekas. Une résolution rapide dépend également de la coopération des cliniques.»
Les cliniques genevoises pratiquent-elles des tarifs prohibitifs? L’an dernier, Helsana expliquait que les tarifs moyens genevois des établissements privés étaient supérieurs à ceux du marché et que ceux de l’Hôpital de la Tour se classaient parmi les plus élevés de Suisse.
Contacté, l’établissement hospitalier conteste cette lecture des choses: «Dans nos négociations récentes, nous avons fait des baisses tarifaires drastiques afin d’assurer un équilibre entre maîtrise des coûts et maintien de la qualité des soins. Cependant, nous ne pouvons pas accepter des tarifs qui ne couvriraient pas le coût réel de la prise en charge de nos patients.» Sa porte-parole rappelle qu’à Genève, le financement diffère des autres cantons: «Genève ne finance la part publique que pour un nombre limité de cas, ce qui alourdit mécaniquement la facture des assureurs de 30 à 40 %. Cela accentue donc encore la pression sur les négociations tarifaires et nous fait virtuellement apparaître comme le plus cher de Suisse.»
«La question est de savoir s'ils s'opposent à une augmentation des tarifs, ou s'ils demandent une baisse des tarifs qu'ils ont payés jusqu'à maintenant»
Pour Mauro Poggia, conseiller aux Etats, on assiste à un changement de paradigme du côté des assureurs: «La question est de savoir s'ils s'opposent à une augmentation des tarifs, ou s'ils demandent une baisse des tarifs qu'ils ont payés jusqu'à maintenant. Je peux comprendre qu'on s'oppose à des augmentations. Mais s'ils ont jusqu'ici considéré que ces tarifs étaient corrects pour un assureur complémentaire, pourquoi ces tarifs seraient excessifs tout d'un coup? Ici on a la main lourde, car les pénalisés ne sont pas les cliniques d'abord, mais les patients, captifs de cette assurance.»
Dans cette bagarre des coûts entre prestataires de soins et assureurs, ce sont les patients qui trinquent. Pour le président de l’Association des médecins du canton de Genève (AMGe), les assureurs franchissent la ligne rouge: «Je ne mêle pas des accords entre cliniques et assureurs. Mais quand un assureur vient placer le business avant la santé, on dit au secours, c'est inadmissible.
Depuis le début de cette année, la Finma, le gendarme financier suisse, exige plus de transparence. Cette échéance n’a manifestement rien réglé: «La Finma protège les assurés. Elle doit faire en sorte que les primes soient adaptées à la couverture, sans marge accessive pour les assureurs. Mais le fait-elle en les empêchant d'avoir la couverture pour laquelle ils ont payé des primes parfois depuis des décennies? Certainement pas! Qu'a fait la Finma depuis 2012 que le système a été régulé? Rien du tout!»
Pour autant, les cas de Visana et Sanitas n’ont sans doute pas encore trouvé leur épilogue, si l’on en croit le passé récent. L’an dernier, les gros assureurs Groupe Mutuel et Helsana avaient aussi claqué la porte de l’Hôpital de la Tour. Après des mois de négociations, ils avaient finalement retrouvé un terrain d’entente.