Genève

À Carouge, des faux humains et un rapace perchés dans les arbres contre les corbeaux

17.03.2025 19h02 Delphine Palma

Ils croassent à des heures indues sous les fenêtres, se déplacent en bande par dizaines et troublent le sommeil des riverains. Les corbeaux freux ne sont pas les bienvenus dans certaines zones urbaines. À Carouge, un projet innovant tente de les éloigner des immeubles à l’aide d’un rapace et de mannequins installés au sommet des arbres.

Ce vendredi matin, un chasseur silencieux s’apprête à prendre position dans les platanes.
«J’ai sorti Akhan, une buse de Harris mâle, indique Christophe Pertuizet, fauconnier. On va le lâcher dans l’allée de platanes pour qu’il instaure un climat d’insécurité autour du site de nidification des corbeaux.»

Depuis début mars, Akhan, spécialement dressée pour l’effarouchement, est régulièrement lâchée dans le secteur, au moment où les corbeaux freux commencent à installer leurs nids en haut des arbres. À Carouge, une colonie revient chaque année de mars à juin le long de ce boulevard. Pour certains habitants, les croassements matinaux sont devenus insupportables.
«On peut compter facilement 50 corbeaux, soupire un riverain. Ils nous réveillent tous les matins entre 5h30 et 6h30!»

Des mannequins au sommet des platanes

Face aux plaintes, la Ville de Carouge a lancé un projet pilote. En plus des interventions du rapace, les nids les plus proches des façades ont été supprimés. Et grande première : deux mannequins vont être installés en guise d’épouvantails au sommet des platanes.
«Les corbeaux assimilent la silhouette du mannequin à celle du fauconnier ou du grimpeur, donc pour eux, c’est un danger, explique notre fauconnier. Nous allons les déplacer tous les deux jours pour prolonger l’effet de l’effarouchement.»

En faire assez mais pas trop

La commune insiste : il s’agit d’un test, sans garantie de réussite. L’objectif est de trouver un compromis entre la qualité de vie des riverains et le respect de la faune sauvage. «L’idée, c’est de leur envoyer un signal: ici, vous n’êtes pas les bienvenus, on vous invite à aller ailleurs, explique Romain Rowland chargé de projet aménagement à la ville de Carouge. Nous essayons de trouver un concensus entre faune sauvage et qualité de vie des riverains.»

L’inspecteur de la faune suit l’expérience avec attention. L’effarouchement des corbeaux freux a déjà été testé ailleurs dans le canton, avec des résultats mitigés. Le risque est de voir les oiseaux se disperser et coloniser d’autres sites, prévient Gottlieb Dandliker. «S’ils ne peuvent pas nicher ici, ils iront ailleurs. L’objectif est de les éloigner des arbres les plus problématiques pour qu’ils s’installent dans des zones où leur présence est moins dérangeante. Certaines colonies sont déjà jugées moins gênantes que d’autres.»

La loi sur la protection de la faune sauvage est claire: dès la première ponte, prévue dans environ une semaine, il sera interdit de déranger les oiseaux. Pour l’instant, il est trop tôt pour juger de l’efficacité du dispositif sur les corbeaux freux. Mais sur les humains, en tout cas, il ne passe pas inaperçu.