Opinions

Garde à vous, Mesdames… Rompez!

18.01.2025 07h00 Laure Lugon Zugravu

La conseillère fédérale Viola Amherd veut obliger les femmes à servir dans l'armée ou à la protection civile. Mais modestement: un seul jour sera requis, la journée d'information. Une mesurette mais à charge symbolique.

Viola Amherd maîtrise aussi bien le calendrier que le sens de l’Histoire. Mercredi, la conseillère fédérale a lâché une petite bombe en fin de conférence de presse – sa démission – juste après avoir annoncé une mesure quasi révolutionnaire. Les femmes devront elles aussi servir la patrie. La ministre poursuit ainsi la route sinueuse vers l’égalité, en dépit de l’époque qui voit fleurir les jérémiades victimaires des féministes nouvelle version.

Ne nous emballons pas, cependant. Car l’exercice va commencer mollo: un jour, un seul. Cette obligation de servir dans l’armée ou à la protection civile – pour autant que le peuple valide dans les urnes - se résumera à la journée d’information, ce grand moment où les futures recrues découvrent quelles délices leur réserve le commandant de corps Süssli, quand celui-ci n’est pas occupé à courir après les liquidités pour payer les ardoises de l’armée.

Un jour. Voilà une mesure qui incarne à merveille la politique des petits pas, label helvétique par excellence, logo arbalète garanti. Des pas si petits - je me demande même si le pluriel se justifie -  que le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) n’a pas sourcillé. C’est dire.

Du point de vue opérationnel, je pense qu’il ne faut pas attendre de résultats avant 2060. Rien ne dit en effet que les filles s’enthousiasment d’emblée devant cette nouvelle opportunité de ramper et de tirer aux côtés des garçons. Je note toutefois avec satisfaction que l’armée avait pris les devants dès 2021 en inventant le «Système modulaire d’habillement et d’équipement». Entendez, sous ce concept nébuleux, de la couture: il s’agit de tailler des uniformes pour dames, car celles qui s’engagent déjà sous les drapeaux savent que l’égalité des sexes n’implique pas l’équivalence morphologique. Et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, je n’ai pas parlé de coquetterie. D’ailleurs, ce point a été définitivement réglé cette semaine, lorsque l’armée a annoncé devoir renoncer à la fameuse tenue de sortie gris souris pour cause d’économies. Un peu de pompe s’en va.

J’entends déjà les slogans outrés de celles qui ne veulent partager les tâches que lorsqu’elles y sont astreintes, mais jamais lorsqu’elles en sont exemptées.

Mais sous l’angle symbolique, la mesure annoncée cette semaine par la Haut-Valaisanne me ravit. Je confesse une petite tendresse à l’égard de Viola Amherd qui, de son pas tranquille de montagnarde, ne se contente pas de parader au pince-fesse du Bürgenstock, d’esquiver les critiques sur son nouvel avion de combat qui tarde à zébrer notre ciel ou de commenter des études ultra tendance sur la violence sexualisée dans nos casernes. Elle endosse aussi modestement le costume de l’égalité en marche.

Et c’est précisément sur l’acception de ce terme que la planète féministe en camaïeu violet ne devrait pas tarder à vociférer. J’entends déjà les slogans outrés de celles qui ne veulent partager les tâches que lorsqu’elles y sont astreintes, mais jamais lorsqu’elles en sont exemptées. C’est fâcheux. Et c’est aussi une des raisons qui explique que le virilisme opère son retour glorieux après des années de féminisme dévoyé.

Par cette mesurette qui a pour but premier de renflouer des effectifs militaires anémiques, Viola Amherd prie les femmes de revoir la notion d’égalité. Je vais les y aider. Retraite à 65 ans: une évidence incontestable. Huit heures d’armée, voire plus si entente: Ce serait une insulte si ce n’était pas qu’une incitation, une prière. Laquelle pourrait être exaucée, car il se trouvera bien quelques filles supplémentaires qui succomberont à la curiosité de découvrir la vie de troupier. Ou qui nourriraient un certain goût de l’effort. Courir avec la «splischu», le harnais et le FAS (pour celles qui n’auraient pas été initiées comme moi par leur fils, ou leur frère, je suggère les vidéos TikTok du plus bel effet avant que cette application ne soit bannie, comme aux Etats-Unis depuis hier), peut être plus drôle et éreintant que de réclamer un congé menstruel.

Et sinon, à Genève, est-il prévu que les femmes puissent passer une heure chez les Vieux-Grenadiers ?