Le «Tschüss, Genf!» de la SGS et l’indolence de Delphine Bachmann
La SGS, fleuron de l'économie genevoise, abandonne le canton pour Zoug. Et la ministre de l’Économie nous tient des propos lénifiants sur des lendemains enchanteurs.
Genève a l’orgueil facile mais la honte aisément bue. Cette semaine, le canton voit partir à Zoug une de ses entreprises historiques, le géant de la certification SGS, qui prospérait au bout du lac depuis plus d’un siècle.
Ce sont des choses qui arrivent, me direz-vous, les actionnaires ayant des raisons que le cœur ne connaît pas. Et peut-être même que le cœur a joué un rôle dans cette rupture, les dirigeants de SGS étant déjà domiciliés à Zoug: en plus d’avoir goûté à sa fiscalité douce, sans doute ont-ils apprécié les charmes discrets d’une bourgade qui possède elle aussi son lac, ses bois et son horloge astronomique.
Mais je présume qu’il y a un autre pouvoir d’attraction sur les bords de ce lac de Suisse centrale, quelque chose comme un supplément d’âme. A Zoug, on ne fait pas semblant d’aimer l’argent si et seulement si il sert à développer les prestations sociales. A Zoug, on n’a pas remplacé la loi de la concurrence par des considérations morales. Et à Zurich, la métropole attenante, on ne s’excuse pas d’avoir un aéroport et ses dirigeants ne rêvent pas de freiner son développement.
Un souffle de suspicion envers le succès et d’aspiration à la sobriété
Mais revenons à Genf. Aux données mesurables de cherté comparative – de l’impôt sur les hauts revenus aux assurances, en passant par les loyers commerciaux – s’ajoutent une mobilité contrariée, un souffle de suspicion envers le succès et d’aspiration à la sobriété, en bref un climat désagréable dont les graffitis politiques sur les succursales bancaires en sont une des nombreuses expressions.
Au moins avons-nous Delphine Bachmann et c’est heureux. Sans se départir de son sourire, la pétulante ministre de l’Économie centriste s’est voulue rassurante, sur le mode «une de perdue, dix de retrouvées.» Et que vous lui serviez le départ en Argovie de Firmenich, fleuron genevois des arômes et des parfums, la fuite du Salon de l’auto à Doha et la probable disparition de son cadet Ebace, sa résilience est intacte et son optimisme, inaltérable. Même si elle déclare au Temps peu ou prou la même chose que moi: «J’ai l’impression que la décision de la SGS a été prise selon des motifs multifactoriels qui lui appartiennent.»
Oui, sauf qu’eu égard à sa fonction, il eut mieux valu qu’elle s’en préoccupât, de ces motifs. Ou à tout le moins qu’elle en identifie la source et les manifestations. La gravité de la situation m’a sauté aux yeux lorsque j’ai vu sur le plateau de la RTS le patron de la Chambre de commerce, Vincent Subilia, abandonner sa faconde sirupeuse pour se lancer dans une diatribe enragée. Le sourire de «coach Delphine» n’en paraissait que plus candide.
Après la ministre collectiviste des Plans circulaires, voici la ministre des Plans sur la comète
A la lire sur les réseaux sociaux, ce doute s’est renforcé. Devant les inquiétudes, elle répond vouloir «se tourner vers le futur en soignant les conditions cadres à la prospérité». SGS l’eut-elle su qu’elle n’aurait pas songé à émigrer. Ce d’autant que la conseillère d’État annonce l’arrivée prochaine d’un Plan directeur de l’innovation.
Après Fabienne Fischer, la ministre collectiviste des Plans quinquennaux circulaires, inclusifs, durables et solidaires, voici donc la ministre des Plans sur la comète.
Je suis un peu dure, il est vrai. Car si on est honnête, à quoi sert un ministre de l’Economie, si ce n’est à jouer les représentants de commerce pour vendre les charmes du canton? Et que faire lorsque le canton perd de son charme en exaspérations multiples? On fabrique des concepts dans l’espoir de raviver un rayonnement qui faiblit inexorablement. Encore un peu et Bümpliz nous tutoiera.
Puisse-t-elle entendre le rôle de l’État de manière minimaliste
En revanche, je fonde quelque espoir sur la nouvelle stratégie économique du département. Car la ministre nous dit que le rôle de l’État devra être mieux défini. Puisse-t-elle l’entendre de manière minimaliste pour ce qui est des réglementations, hostilités administratives et jacasseries avec les syndicats!
Si Genève doit perdre l’OMS parce que le chef du monde est mal luné, on n’en tiendra jamais les élus genevois pour responsables. En revanche, quand un acteur économique majeur dit Tschüss, on attend d’une ministre une réponse plus substantielle qu’un joyeux «et encore merci!»