Opinions

Les pro moteurs de la mort

15.11.2024 14h50 Rédaction

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Quatre motards sont morts en deux semaines à Genève. lLa tristesse, profonde, n’étouffe pas la colère de Sylvain Thévoz devant l’inaction des autorités. Luc Barthassat lui répond.

Série noire, drame de la route, mort de passion, le vocabulaire utilisé pour rendre compte de ces morts relève toujours du registre de la fatalité ou de la malchance. Ce n’est pourtant pas le hasard qui a tué ces hommes ni l’oubli d’une patte de lapin d’une prière ou d’un trèfle porte-bonheur sur le plexiglas, mais une volonté politique farouche et rétrograde de défendre à tout prix le fait de rouler sans limite comme on veut où l’on veut, et, au nom de la liberté du choix du mode de transport, celui d’écraser qui l’ont veut ou de se tuer soi-même.

Une majorité politique criminelle défend encore la dangereuse course de côte de motos de Verbois, véritable école de la vitesse et du crime, et refuse de baisser à 30 km/h la limite de la folie dans les localités ou prendre toute mesure contraignante de sécurité routière. Le message de ces promoteurs de la mort est le suivant: «Foncez à tombeau ouvert et tant pis si les cercueils roulent sur le bitume».

Responsabilité individuelle, mon œil! Pensez-vous que si 4 jeunes en deux semaines s’étaient enfoncés des couteaux dans le ventre jusqu’à se tuer, il serait dit avec un même fatalisme écoeurant: «série noire, malchance, drame de la vie?» Traiterait-on cela sur 5 à 10 lignes à la rubrique fait divers? Non, bien sûr que non. On traquerait avec rage les causes, les responsables, on incriminerait à tort et à travers l’étranger, la décadence, les wokistes que sais-je: et des mesures fortes, radicales, seraient annoncées pour arrêter l’hécatombe.

Mais quand on parle des victimes de la route, rien. Le sujet est affreusement banalisé. Chaque matin, on croise davantage d’ambulances. L’inacceptable se faufile de manière perfide: la mort, mauvais sort, frapperait les plus vulnérables: cyclistes, motards piétonnes, comme la foudre tombe et brûle certains arbres. Et de la même manière que l’on vous dirait de ne pas vous abriter sous un feuillu en cas d’orage dans un bois, il faudrait mettre bien son casque et prier, serrer les dents et avancer sur les passages piétons afin de se prémunir du sort. Puis, arrivé à destination, soupirer comme si on avait traversé une allé de snipers. Ouf ce n’est pas sur moi que c’est tombé, ce n’est pas moi qui suis à terre.  

Ce qui me choque, c’est que des jeunes meurent comme des bêtes sur la route, sans actions ni réactions. Pire, le lobby des pro moteurs de la mort, le même qui veut élargir les autoroutes le 24 novembre et continuer de vendre des véhicules à gogo, accable ces jeunes et les tue deux fois en les rendant fautifs. C’est pourtant la jungle routière et leur propre inaction qui les assassine. Ces promoteurs de la mort refusent toute mesure limitant les causes structurelles du danger et protéger les plus vulnérables. Quand on leur en offre l’opportunité concrète, ils bloquent tout, tant au parlement que par des recours judiciaires.  

En septembre 2022, un texte demandait au Conseil d’Etat genevois un objectif zéro mort et blessés grave sur les routes, en ciblant avec des mesures concrètes les excès de vitesse, cause majeure d’accidents ; en développant des installations sécurisées pour la mobilité douce et œuvrant pour un meilleur soutien aux victimes de la route et à leurs familles. Ce texte a été bloqué, avec des arguments ahurissants.

Tel élu ne pense pas que la vitesse soit la principale cause des accidents à Genève! Tel autre ne voit pas l’intérêt de rappeler à la police que la loi sur la circulation routière existe! Un autre pense que voter le texte ne produira aucun effet, il forcerait même le Conseil d’Etat à rendre un rapport et occuperait à mauvais escient le temps du Grand Conseil! Enfin, un dernier affirme que les communes et le canton travaillent déjà à renforcer la sécurité routière etc. Circulez, il n’y a rien à faire. Cette passivité est triste, lamentable et criminelle.   

Ces hommes jeunes sont morts d’une inertie et ont été fauchés par une complaisance et des familles sont endeuillées par l’absence de mesures préventives fortes. Ces jeunes, comme tant d’autres avant eux se sont éteints parce que rouler en mettant sa vie et celles des autres en danger reste valorisé et politiquement défendu par les pro moteurs de la mort qui siègent au parlement et dans les organisation pro-bagnoles. Ils ne sont pas morts de malchance, de passion, ou par inadvertance. Ils ont été assassinés, même si les responsables de ces meurtres disent qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils vous invitent goguenards à agrandir les autoroutes le 24 novembre.

Luc Barthassat: «Sylvain, t'es Woke!»

«Les pro moteurs de la mort»... le ton est lancé. Sylvain T’es Woke! Je tiens à répondre à votre message avec la fermeté et le dégoût qu'il mérite. Tout d'abord, je partage une profonde tristesse face à la perte tragique de ces jeunes personnes, nous sommes tous en pensées sincères avec leurs  familles… Mais je ne peux accepter que leur mémoire soit instrumentalisée pour faire avancer un agenda politique!

Vous utilisez leurs décès pour alimenter une rhétorique qui stigmatise non seulement les motards, mais également la diversité des modes de transport qui existent dans notre société, et je vous le rappelle, qui est inscrit dans notre constitution!

Avec le complexé de la trottinette. Tout y passe. La course de côtes de Verbois, l’élargissement de l’autoroute, la généralisation du 30 km/h! Nous sommes traité de meurtriers, de criminels, c’est tout simplement lamentable! Nous sommes tous d’accord, qu’Il est indéniable que des mesures de sécurité routière doivent être prises! Et l’élargissement nécessaire de l’autoroute de contournement en fait partie! Mais il est tout aussi crucial de ne pas tomber dans le piège de la simplification du petit bobo fachos roses vert brun! Qui doit, tel le charognard du marécage, s’en nourrir politiquement!

Réduire le débat à une opposition entre "pro moteurs de la mort" et "sauveurs de la route" , juste pour bouffer à tous les râteliers de la haine et en utilisant , les malheurs et les souffrances d’autrui. Cela est totalement inacceptable! Ce genre de propos haineux ne font que polariser et diviser. 

Notre société a besoin d'une approche nuancée qui reconnaît les différentes réalités et contextes dans lesquels nous évoluons. En tant que motard   multimodal, je comprends les enjeux de la vitesse et de la sécurité, mais je refuse de laisser la peur , la haine et les mesures extrémistes et pathétique ,dicter nos choix de vie ou de transport.

Votre discours, en plus de manquer de respect envers les victimes, alimente une paranoïa qui ne fait que renforcer les extrêmes. Ce n’est pas en criminalisant une passion ou un mode de vie et les besoins de nos PME , que nous résoudrons le problème des accidents de la route. 

Au lieu de pointer du doigt, engageons-nous tous ensemble dans une réflexion constructive pour améliorer la sécurité routière sans sacrifier la liberté de chacun. C’est ce que nous avions fait avec la loi sur la mobilité cohérente et équilibrée, soutenue par une très large majorité de notre population! Car la véritable responsabilité se trouve dans la recherche de solutions communes et respectueuses des libertés individuelles, tout en protégeant les plus vulnérables. 

Gardons à l'esprit que la démocratie se nourrit de débats ouverts et respectueux, pas de discours incendiaires qui divisent! Enfoncez-vous cela bien profondément, dans ce qui vous sert de cervelle.