Lugon sans permission: élections municipales, on arrête d’hyperventiler
Une agitation frénétique s'est emparée des politiciens à la veille des élections municipales, alors que le citoyen, lui, vaque. Voici quelques échos de «la bulle», qui est allée de sursaut en rebond selon une trajectoire chaotique inversement proportionnelle à l’intérêt qu’elle comptait susciter.
Effervescence maximale au sein de la bulle. La bulle, c’est le sobriquet que je donne affectueusement au petit monde politique, condensé de la comédie humaine. Pour être parfaitement honnête, il faut ajouter que les contours de la bulle sont élastiques et qu’on y trouve en ses bordures nous autres, représentants des médias.
Cette dernière semaine pré-électorale, la bulle est allée de sursaut en rebond selon une trajectoire chaotique inversement proportionnelle à l’intérêt qu’elle comptait susciter. En effet, la participation est anémique, elle pourrait ne pas atteindre 35%. Par comparaison, le Valais déplorait lors des élections cantonales, il y a trois semaines, un taux historiquement bas à 45,5% alors qu’il fait pâlir d’envie Genève. Pourtant, nos candidats nous assurent serrer des milliers de mains sur les stands, redoubler d’efforts en vidéos d’efficacité douteuse et il faut les croire: nous les voyons arriver éreintés à Léman Bleu, où nos maquilleuses exercent leur génie méconnu du grand public.
Tous les partis ont fourni de gros efforts pour soigner l’arythmie cardiaque de ces élections. Avec force propositions, promesses et gesticulations. La question des crèches ayant été décrétée d’urgence absolue, on a vu fleurir quantité d’idées, entre municipalisation, subventionnement, distribution de chèques. On a aussi assisté à des échauffourées entre les électrons de la bulle. Ainsi à Lancy, la maire socialiste Salima Moyard a été vertement tancée pour avoir voulu réduire les rabais des crèches. Notamment par le PLR, qui a succombé récemment à la subventionnite aiguë. J’imagine la tête de l’électeur bourgeois lancéen – s’il en reste à cette heure - se demandant à quel moment le PLR a viré de bord pour se faire désormais dépasser sur sa droite par une élue socialiste.
Un duo pack de deux demi-objets ne fait pas encore un entier
Pendant ce temps, le Centre et les Vert’libéraux ont fait signer à tour de bras leur initiative pour la création de nouvelles places en crèches, ce qui leur a permis de la déposer vendredi, avant-terme, et surtout avant élections. Ouf, et encore bravo.
Tous ne peuvent pas prétendre aux félicitations en la matière. L’UDC par exemple a déposé vendredi au service des votations une demi-initiative et un demi-référendum. C’est-à-dire un premier stock insuffisant de signatures (pour la traversée de la rade et contre le soutien à la Genève internationale), en attendant une moisson ultérieure. Cela lui permet de rédiger un communiqué de presse qui ne sera repris par aucun habitant de la bulle, puisqu’un duo pack de deux demi-objets ne fait pas encore un entier.
Dans un exercice d’une incontestable solidité, la Ville de Genève a présenté une étude qui confirme sa politique, Dieu merci
Sur le front de la mobilité, on ne compte plus les conférences de presses et rapports. En revanche, on peut vous dire qu’ils vont tous dans le même sens: on aime le vélo et la marche et on déteste la bagnole. Dans un exercice d’une incontestable solidité, la Ville de Genève a présenté une étude qui confirme sa politique, Dieu merci. Malgré le faible nombre de questionnaires remplis et l’absence de prise de langue avec l’association des commerçants, ce rapport démontre ce qu’il fallait démontrer: la piétonnisation favorise les achats. D’ailleurs, le canton confirme dans une autre sollicitation aux médias que Genève a réduit drastiquement ses émissions de CO2 depuis 1990, preuve qu’il faut poursuivre l’effort. Sinon, j’ai arrêté de compter le nombre de nouveaux arbres plantés et celui des conférences de presse pour l’annoncer – le chiffre est quasi identique.
Beaucoup d’agitation aussi dans la bulle quant à l’avenir sombre de la Genève internationale, invitée surprise aux élections des communes. Jusqu’à provoquer des bagarres internes, comme au PLR, tant il est incertain que les Genevois y voient une priorité dans les causes à défendre. Qu’ils aient tort ne change rien au fond de l’affaire, électorale.
Malgré la richesse des objets avec lesquels jonglent les politiciens et la drôlerie des crocs-en-jambes, le citoyen paraît peu concerné. Dommage que le canton râle plus qu’il ne vote. Mais en même temps, tout est normal. On s’indigne, on s’insulte sur les réseaux, on s’échauffe sur les SIG, car les SIG font toujours des bêtises, et même les enseignants sont de retour dans la rue, avec une nouvelle grève sur un point du règlement que personne n’a compris. C’est mieux qu’une «affaire Dittli», ou bien?