Mort aux records
Qu’est-ce qui pousse un homme à se jeter d’une falaise de 60 mètres en caleçon à fleur dans une rivière à sec et d’autres à l’imiter? La stupidité pour certains, le courage pour d'autres.
Course de motocross, chute libre, sauts périlleux, des hommes en recherche de sensations fortes, se perchent à des hauteurs lunaires ou se projettent au sol pour un selfie, un clic ou pour appâter des sponsors. Le sport extrême est par définition bête, inutile et mortel. L’influenceur est à sa communauté ce que le premier mouton à se jeter dans le vide est à son troupeau. Un benêt ou un suicidaire narcissique qui se cherche une audience.
Guillaume Tell par exemple était un papa prêt à flécher son fils pour montrer à ses copains que même ivre il arrivait à viser plus ou moins juste. On en a fait un héros. Bertrand Piccard a réalisé un tour du monde en ballon et s’est envoyé en l’air dans un avion solaire, avant de devenir la marionnette utile d’un escroc pour arnaquer de petits épargnants. Mike Horn? Membre d’un commando chargé d’éliminer militants et combattants noirs indépendantistes et anti-Apartheid en Afrique du Sud, il est devenu un aventurier médiatique à succès. Il n’y a pas de sport extrême qui ne soit avant tout solitaire et donc égoïste, voire dangereux pour les autres. Ceux qui glorifient la prise de risque, personnalisent l’exploit, s’étonnent étrangement que des imitateurs mal inspirés montent ensuite sur le Mont-blanc en tong-chaussettes pour une glissade mortelle.
Soignez l'ego blessé par le yoga
Le sport extrême, c’est du flan. De grâce ne soignez pas un ego blessé avec des doses d’adrénaline: faites plutôt du yoga. Partir pour un tour du monde en solitaire à la voile durant 3 mois comme Alan Roura est moins radical que de rester à la maison pour s’occuper de deux enfants comme l’a fait sa femme. Les caméras se sont trompées en allant sur le ponton de la marina plutôt qu’à la porte de la crèche. On dort davantage sur un bateau qu’en s’occupant d’enfants en bas âge. Le sport ultime, c’est de vivre, simplement, et de sortir de soi pour s’occuper des autres. Il y a des millions d’héroïnes et de héros du quotidien: des proches aidants inusables, des parents à starifier, des ados à sanctifier, des bénévoles à faire briller.
À ceux qui cherchent la mort pour se sentir exister, je préfère celles et ceux qui luttent pour la vie. Ils sont plus courageux et sincères. Au final, nous franchirons tous la même ligne. Et il n’y aura plus de temps, de chronomètre, plus de public, ni de comparaison possible. Finie la course. A cette extrémité-là : larmes, podium, médaille d’or pour tous. Mort aux records. Et vive l’éternité.
«Celui qui n’a jamais essayé de se dépasser risque fort de devenir une canaille»
Une fois de plus, Monsieur Thévoz mitraille tous azimuts en s’en prenant cette fois aux sportifs de haut niveau, qui ne seraient, pour lui, que «des égoïstes en recherche de sensations fortes avec un ego blessé.»
Ses exemples révèlent son ignorance crasse ! Pour lui, Guillaume Tell voulait «flécher son fils pour montrer à ses copains que même ivre, il arrivait à viser plus ou moins juste». Des baillis au service des Habsbourg qui l’avait contraint à ce geste? Pas un mot!
Quant au Vendée Globe, s’occuper d’enfants, comme l’a fait la femme d’Alan Roura, serait plus héroïque pour Sylvain Thévoz, car, dit-il, «on dort davantage sur un bateau qu’en s’occupant d’enfants en bas âge». Ce trublion socialiste n’a certainement jamais mis un pied sur un bateau ni entendu parler des quarantièmes rugissants...
Le risque, ingrédient essentiel de l'avancée
Le Vendée Globe avec ses équipes techniques permet d’étudier des données médicales, alimentaires, techniques, météorologiques, de tester des matériaux qui, peut-être, révolutionneront un jour le transport maritime très polluant. Si des hommes et des femmes n’avaient pas pris des risques, mis leur vie en danger, il n’y aurait jamais eu d’avancées technologiques, médicales et scientifiques.
Pensons à Léonard de Vinci qui a conçu ses prototypes de machines volantes et d’engins qu’il aurait lui-même testés. Pour Monsieur Thévoz, ce génie de la Renaissance, ne doit être qu’un fou égoïste en recherche de sensations fortes... Bravo à nos athlètes suisses, qui nous font rêver, pour leurs exploits dans le ski, le tennis, le cyclisme, le hockey et bien d’autres sports encore.
Bravo à Céline Van Till, qui a décroché une médaille d’argent en cyclisme au championnat paralympique et bravo à nos marins Alan Roura et Justine Mettraux, la femme la plus rapide de l’histoire du Vendée Globe.
Quant au persifleur Sylvain Thévoz, je lui dirai que celui qui n’a jamais essayé de se dépasser, que ce soit dans un domaine sportif, artistique, professionnel ou humanitaire... risque fort de devenir une canaille.