«Madame», film puissant et intime de Stéphane Riethauser
A n’en pas douter, «Madame » va faire parler de lui. Car le nouveau film du réalisateur genevois Stéphane Riethauser est un ovni dans son genre. Déjà sur la forme, le documentaire est quasiment intégralement basé sur des archives familiales. Et quelles archives! Vidéos d’enfance, carnets de note, journaux intimes, messages de répondeur, Stéphane Riethauser a tout gardé.
Sa grand-mère
Mais surtout, le réalisateur a, très jeune déjà, utilisé son caméscope pour capter des moments de vie familiale, et tout particulièrement sa grand-mère. «J’ai commencé à la filmer quand elle avait nonante ans, parce que j’aimais beaucoup les histoires qu’elle me racontait. Je voulais préserver sa mémoire.» Quelques années plus tard, lui vient l’idée d’en faire un film. «Au début, je voulais faire sa biographie. Mais il me manquait une contrepartie. J’ai décidé de me mettre dedans au cours de la production, ce qui n’était pas mon intention première.»
S’émanciper des structures patriarcales
En ressort un documentaire intime. Un dialogue à la fois réel et fictif entre Stéphane Riethauser et sa grand-mère, aujourd’hui décédée. Car leurs histoires respectives se font écho. «Ma grand-mère est née il y a 110 ans à Genève dans un milieu d’ouvriers immigrés italiens. Elle n’a pas eu le droit à l’éducation, a été forcée de se marier à l’âge de 15 ans. Elle était destinée à une vie domestique au service des hommes. Malgré tout, elle s’est émancipée de ces structures patriarcales. Deux générations plus tard, je suis né dans un milieu bourgeois, avec tous les privilèges réservés aux garçons. Mais ma condition d’homosexuel a fait que j’ai du, moi aussi, sortir des griffes d’une certaine forme de patriarcat», explique le réalisateur genevois.
Dans les coulisses d’une vie
Stéphane Riethauser espère que son film puisse faire changer les consciences. «Beaucoup de gens se cachent encore aujourd’hui et c’est malheureux. Ce film permet de jeter un regard derrière le rideau, dans les coulisses d’une vie, d’une intimité. Il montre les petits mensonges, les stratagèmes qu’on s’efforce de faire pour sembler normal.»
«Madame» sortira le 23 octobre prochain dans les salles de Suisse.
Valentin Emery