Genève

Le DIP a voulu nommer chef l’auteur des plus graves maltraitances à Mancy

26.01.2023 12h24 Jérémy Seydoux, Denis Palma

Foyer de Mancy Foyer de Mancy

À Genève, le Département de l’instruction publique (DIP) a nommé à un poste important l’un des anciens infirmiers de Mancy visé par les plus graves accusations de maltraitances sur des enfants autistes. Le courriel interne qui officialise sa promotion loue les qualités personnelles «remarquées» d’un homme «soucieux des personnes», ont appris Léman Bleu et Heidi.news. Face à la polémique, le département annonce finalement qu’il renonce à cette promotion.

Enfants traînés par terre par leur col, projetés au sol, enfermés, laissés plusieurs jours sans manger, épisodes de violences à répétition: croche-patte, «high kick», clé de bras, contentions musclées, voici la liste non-exhaustive des maltraitances reprochées à Jean-Louis*, infirmier en poste à Mancy entre 2018 et 2019. 

Selon tous les documents et témoignages réunis par Heidi.news et Léman Bleu, il est le principal responsable des violences contre les enfants et l’instigateur du climat ayant régné dans ce foyer. Son mantra: «c’est aux enfants de nous obéir, pas le contraire». Ces faits, passés sous silence jusqu’en 2021, n’ont pourtant donné lieu à aucune procédure disciplinaire. 

Lire aussi: Pour Patricia Bidaux, c'est «tout le système qui s'écroule»

Promotion «refusée»

En début de semaine, l’homme a été promu dans de nouvelles fonctions, chef de secteur pour les équipes infirmières et secrétariats d’un groupe d’établissements scolaires genevois. Le mail interne qui officialise la nouvelle loue «20 ans d’expériences professionnelles diversifiées», de «solides compétences», un homme «soucieux des personnes, sachant combiner leadership et travail d’équipes, alliant cordialité et rigueur, souplesse et efficacité». 

Mais ce matin, coup de théâtre, le département annonce que l’infirmier «renonce» finalement à ce nouveau poste «quand bien même ce dernier donne entière satisfaction dans son poste actuel». «Le contexte ne permet pas une prise de fonction sereine, ni pour l'office, ni pour la personne concernée», indique May Piaget, directrice de la communication du DIP. Les questionnements de la presse depuis hier n’ont probablement pas été étrangers à ce revirement. 

Toujours en poste malgré les alertes

Une question de taille demeure. Comment expliquer que l’homme exerce toujours avec des jeunes, alors que le département avait assuré que des procédures étaient engagées contre les responsables des maltraitances de jeunes autistes?

Selon les informations recueillies par nos rédactions, le principal intéressé a été reçu au printemps 2019 par le directeur RH de l’Office médico-pédagogique (OMP) après un signalement de violence. Aucune suite n’est donnée. En juillet 2019, l’infirmier quitte le foyer et est transféré dans un autre service du DIP, le Service de santé de l’enfance et de la jeunesse (SSEJ) pour exercer le rôle d’infirmier scolaire dans le secondaire.

Procédure disciplinaire bloquée 

Ce n’est qu’en mars 2021 qu’une note interne révèle l’ampleur des actes reprochés à Jean-Louis et à d’autres collaborateurs du foyer, 11 femmes et 2 hommes. Dans cette note, l’ancienne directrice générale de l’Office médico-pédagogique (OMP), Sandra Capeder, préconise notamment qu’une procédure disciplinaire soit diligentée contre Jean-Louis, bien que les faits soient anciens. La tête du département ne suit pas cette recommandation pour des raisons que nous ignorons.

Quelques mois plus tard, Laurence Farge, la directrice du foyer arrivée après le départ de Jean-Louis et qui contribue à alerter le DIP sur la gravité de la situation, est remerciée. Sandra Capeder, auteure de la note interne, connaît le même sort. Le fonctionnaire mis en cause continue d’exercer au DIP. Sollicité, le département n’a pas fourni d’explications. 

Dans le viseur des députés

Selon nos informations, le cas de Jean-Louis intéresse la commission d’enquête «Mancy» qui l’a auditionné durant une heure et demie. Face aux questions des députés, l’infirmier s’est contenté de minimiser les faits. Il a défendu ses méthodes et rappelé la difficulté des cas dont il avait la charge ainsi que les problèmes structurels du foyer. Selon lui, parler de maltraitance trahit une méconnaissance des réalités du terrain. Les députés rendront leurs conclusions prochainement. 

En parallèle, une procédure pénale est dirigée par le Ministère public dans le cadre, notamment, d’un cas d’empoisonnement d’enfant au Temesta survenu en 2021 au sein du foyer. Selon les renseignements obtenus, Jean-Louis n’est pas inquiété par la justice.

* Nom connu de la rédaction