Genève

Me François Canonica: «On a touché à l’intangible»

08.11.2022 19h35 Rédaction

C’est une parole rare, celle de Me François Canonica, avocat, ancien bâtonnier et figure d’autorité au sein du barreau genevois. Il s’exprime sur l’affaire des écoutes illégales.

Sur notre plateau, Me François Canonica tente de rester calme. Pourtant, il n’en pense pas moins: «Ma réaction, c’est une réaction de tristesse face à l’effondrement institutionnel du Ministère public qui pratique ce genre de méthodes. Je suis extrêmement peiné que des valeurs sacro-saintes soient saccagées par la substitution d’une culture de la triche», soupire-t-il. Ces méthodes, ce sont ces écoutes d'échanges entre les prévenus et leurs avocats, dans l’affaire des promoteurs, par la Brigade financière en 2014.

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Pour autant, l’ancien bâtonnier ne se dit pas surpris par ces révélations. «Le monde est monde, l’être humain est l’être humain, cela a déjà été pratiqué. Genève a connu “le scandale des longues oreilles”, avec des policiers qui écoutaient la moitié de la ville.» Toutefois, Me François Canonica ne mâche pas ses mots concernant le Ministère public: «La situation est très consternante. On va d’une triche, de l’organisation souterraine d’un système d’écoutes téléphoniques au préjudice du sacro-saint principe du secret professionnel vers le mensonge institutionnel», tacle-t-il. 

«Le poisson pourrit par la tête»

«Cette pauvre procurreure que l’on a envoyée hier, tel Jésus-Christ, telle une victime en audience, nous expliquait que ce n’était pas elle mais la police, ça fait rire dans les chaumières des avocats, continue-t-il. On sait très bien que la police n’a pas fait ça sua sponte et que tout ceci fut conçu en amont par le Ministère public.»

Me François Canonica souhaite que la chaîne de responsabilité soit établie: «Cette procureure n’a pas fait cela toute seule. Vous le savez très bien, le poisson pourrit par la tête. (…) On a touché à l’intangible. Les anglo-saxons définissent bien le secret professionnel. Ils disent que c’est un privilège pour l’avocat, mais il y a le devoir de confidence. Le secret professionnel protège avant tout le justiciable, le client ou le patient.»

Daniel Sormanni, député au Grand Conseil, a demandé dans une lettre adressée au Conseil de la magistrature qu’un procureur extraordinaire soit nommé pour faire la lumière sur cette affaire. «Soit il faut nommer un procureur ad hoc, soit il faut dépayser le débat, mais il ne faut pas confier cette instruction au Ministère public genevois, cela me paraît parfaitement déraisonnable», ajoute l’avocat. L’affaire continue.