Genève

Scandale des écoutes à Genève: le commentaire de Jérémy Seydoux

09.11.2022 16h26 Rédaction

ÉDITORIAL - Notre rédacteur en chef relève dans un commentaire la drôle de partition jouée par le Ministère public dans le scandale des avocats illégalement écoutés. 

«Des conversations entre des avocats et leurs clients enregistrées, écoutées et retranscrites par la brigade financière de la police suscite depuis deux jours la consternation générale. La pratique est évidemment illégale, cela n’a pas à être contesté, et constitue une atteinte sévère à notre État de droit.

Quelque chose de grave s’est passé, dont on ne connaît pas encore tous les contours, même s’il paraît totalement invraisemblable que la police ait agi seule, à l’insu du Ministère public, car le ministère public conduit généralement ce genre d’affaire en étroite collaboration avec la police avec des échanges quotidiens. 

C’est pourtant la thèse de la procureure Babel Casutt, dont la responsabilité est directement mise en cause, qui charge lourdement et intégralement la police dans ce dossier. Une thèse qui s’apparente à l’excuse du stagiaire, ce n’est pas moi, c’est le stagiaire. La suite nous précisera si mensonge institutionnel il y a. La suite nous précisera si la tête du Ministère public était au courant de ces méthodes, voire à leur origine.

«Pas sûr en tout cas que la police et ses inspecteurs chevronnés acceptent de porter seuls le chapeau dans ce scandale»

Il sera aussi intéressant de savoir si ces faits graves ont été officiellement dénoncés par la procureure, vu qu’elle y serait étrangère, ou s’il ne s’agit que d’un effet de manche déclamé au tribunal. Nous avons posé la question, nous attendons des réponses. Pas sûr en tout cas que la police et ses inspecteurs chevronnés acceptent de porter seuls le chapeau dans ce scandale. La magistrate Babel Casutt est sous le coup d’une procédure de récusation qui suit son cours. Mais si les policiers impliqués dans ces écoutes devaient également faire l’objet d’une telle procédure, qui traiterait cette demande?

Le Ministère public, lui-même, Olivier Jornot, procureur général, dont l’institution est directement visée dans ce dossier. Voilà l’illustration d’un formidable conflit d’intérêts. Et tout est parfaitement assumé. Le Ministère public l’a rappelé hier dans un communiqué, en précisant par-dessus le marché que cela serait traité sans aucun commentaire public. 

La situation est suffisamment problématique pour qu’un procureur extraordinaire soit nommé pour faire la lumière. La loi le prévoit. Qu’Olivier Jornot et le Ministère public ne l’aient pas encore envisagé à ce stade est simplement terrifiant.»

Lire aussi: L'affaire des écoutes résonne dans la classe politique