Genève

L’ex-cheffe de l’OMP s’exprime sur Mancy: «Le département ne voulait rien faire»

15.03.2023 17h50 Rédaction

Sandra Capeder

Écartée dans le sillage du scandale des enfants maltraités de Mancy, Sandra Capeder, directrice générale de l’OMP de novembre 2018 à décembre 2021 parle pour la première fois à Léman Bleu et Heidi.News. Elle refuse de «jouer le rôle de fusible» et répond aux critiques dont elle fait l’objet, notamment sur des manquements de sa part relevés dans le rapport de la commission.

Voilà 15 mois que Sandra Capeder a été mise à l’écart. Elle dit avoir subi un lynchage, des fausses accusations, et un manque de soutien qui l’ont abîmée. Elle invoque aujourd’hui un «droit à la parole» pour rectifier des «erreurs» relatées quant à sa responsabilité dans cette affaire.

Voici résumées ici ses réponses aux principales critiques.

Pourquoi avoir tardé à remonter les informations ?

Dès les premières alertes, en 2019, lancées par une maman inquiète pour la sécurité de son enfant et des griefs adressés à une infirmière, Sandra Capeder explique avoir tenté de licencier cette dernière, mais s’est heurtée au blocage du département, «On m’a dit qu’il fallait suivre des procédures conséquentes et monter un dossier solide.»

En août 2020, un document daté de 2019 arrive sur son bureau. Il fait état de maltraitances à Mancy. Plusieurs remplaçants du foyer y dénoncent des agissements graves du personnel fixe. L’ancien directeur n’avait - semble-t-il - pas fait état plus haut de ces alertes. Invité à s’expliquer, il répond à Sandra Capeder: «Le seul cas problématique concernait un infirmier qui est parti. L’affaire est réglée.»

L’ancienne directrice générale confie aussi avoir sondé les remplaçants de l’époque, en vue d’un témoignage, qui, par peur, ont refusé. «J’avais des éléments avec lesquels je ne pouvais rien faire, sachant que le département me demandait des dossiers extrêmement bien ficelés.» 

Travail fastidieux

Selon Sandra Capeder, l’arrivée d’une nouvelle directrice au sein du foyer à la rentrée 2020 permet de mettre en lumière des pratiques problématiques et des comportements à changer. Des changements sont proposés, mais un noyau dur d’éducateurs oppose une forte résistance. En janvier 2021, une lettre anonyme parvient au DIP et dénonce le management de la directrice du foyer. 

La patronne de l’OMP comprend alors que certains ont un intérêt à ne pas être bousculés dans leurs habitudes. Elle dit reprendre contact avec les remplaçants de l’époque et les convainc de parler. Une douzaine d’entretiens sont menés et complèteront sa note officiellement finalisée le 29 mars 2021. Cette succession d’événements et la complexité du travail expliquent, selon elle, pourquoi six mois se sont effectivement écoulés. 

Le travail a-t-il été bâclé ?

«J’ai informé ma hiérarchie des entretiens que j’allais mener et pourquoi j’allais le faire», précise-t-elle d’emblée. «Ces remplaçants ne souhaitaient s’entretenir qu’avec moi. Il était exclu pour moi qu’on se prive de ces témoignages.» 

Sur le non-respect des procédures: «Effectivement, les remplaçants ont d’abord refusé de signer les procès-verbaux, car ils étaient extrêmement inquiets des représailles. Mais lorsque nous avons commencé à rédiger la note avec la juriste de l’OMP, nous avons repris contact avec eux pour avoir leur accord qu’ils ont finalement donné. Les entretiens ont été rédigés de manière conforme et étaient parfaitement utilisables.»

Pourquoi rien ne se passe entre mars et décembre 2021 ?

«Pour le département, il était difficile d’assumer publiquement cette situation grave». Il aura fallu attendre que l’affaire n’éclate dans la presse pour que la situation commence à bouger. La commission de contrôle de gestion du Grand Conseil s’empare de la question.

Sandra Capeder dit: «Trois jours après mon audition devant les députés, on me demande de quitter ma fonction sans raison et de manière abrupte. Le 3 décembre, je reçois mon congé.»

Le 3 décembre est aussi la date à laquelle le département fait une dénonciation pénale pour des faits connus depuis 9 mois. Trois jours plus tard, Anne Emery-Torracinta passe à son tour devant les députés. Coïncidence? «Je ne crois pas. Il fallait pouvoir dire aux députés que tout était de ma faute, que j’avais quitté ma fonction et que plainte pénale avait été déposée.»

Manquements reconnus ?

«On est tous aussi imparfaits les uns que les autres, probablement qu’il y aurait des manquements à reconnaître. Mais sur cette affaire-là, il faut qu’on me dise lesquels. Je nie avoir informé tardivement le département sur les maltraitances et même si je l’avais averti plus tôt, cela n’aurait rien changé. Après le mois de mars, il ne s’est rien passé, on n’a pas dénoncé les maltraitances avant décembre. C’est la preuve qu’on ne voulait rien faire de cette affaire, parce qu’on avait peur de reconnaître publiquement quelque chose de difficile à assumer».