Genève

Me Nicola Meier: «Cette décision reconnaît que cette violation s’est bien produite»

21.03.2023 20h00 Rédaction

Le scandale des écoutes d’avocats rebondit et éclabousse sévèrement le Ministère public. La procureure qui niait toute implication et qui chargeait toute la responsabilité sur la police vient d’être récusée par la chambre pénale de recours. Me Nicola Meier réagit.

La décision est sévère pour le Ministère public genevois et très rare. Dans le cadre du procès des promoteurs, entaché par un grave scandale d’écoutes illégales d’avocat, la procureure ayant instruit l’affaire Caroline Babel Casutt est récusée. La chambre pénale de recours retient que la «succession de manquements en lien avec la protection du secret professionnel de l'avocat, dont la magistrate était garante, constitue une violation grave de ses devoirs».

Cette décision tranche avec la position initiale du Parquet qui s’évertuait à rejeter la responsabilité sur les policiers en charge de l’enquête. La cour relève que, contrairement aux affirmations de Caroline Babel Casutt qui dit avoir découvert l’existence de ces écoutes d’avocat litigieuses tardivement en novembre 2022, elle savait dès 2014 qu’elles avaient lieu. À aucun moment, pourtant, elle n’a demandé aux policiers que ces conversations ne soient pas exploitées, retirées du dossier et supprimées immédiatement. En revanche, les actes de procédure ne sont pas annulés. 

Me Nicola Meier se bat depuis novembre pour que des responsabilités soient établies dans ce scandale des écoutes: «C'est une décision importante, car une autorité judiciaire acte finalement ce que l’on dénonce depuis des mois, c’est-à-dire un scandale d’État. On a décidé d’écouter, d’enregistrer les conversations entre les prévenus et leurs avocats, on a décidé de les retranscrire et de les exploiter et nous faisons face à un silence assourdissant des institutions. Aujourd’hui, cette décision reconnaît que cette violation s’est bien produite.»

«C’est une infraction pénale que d’écouter des avocats»

Pour la chambre, la magistrate a été informée que des écoutes avaient été exécutées, y compris sur les avocats et n’a pas pris les mesures nécessaires. La théorie du Ministère Public, qui pointait la police, est également balayée. Reste la question de la légalité: «Ordonner des mesures de surveillance secrète, en soit, ce n’est pas illégal, explique Me Meier. C’est là-dessus que joue le Ministère Public. Évidemment que ce qui l’a été, c’est la manière dont on l’a exécutée. On peut même aller plus loin: s’il est démontré qu’on a sollicité, voire même que l’on s’est accommodé d’écouter des avocats, c’est non seulement illégal, mais on bascule sur un côté criminel.

«C’est une infraction pénale que d’écouter des avocats et d’exploiter les conversations en question, c’est de l’abus d’autorité.»

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L’avocat avait également déposé des plaintes pénales, toujours instruites à l’heure actuelle par Olivier Jornot en personne. «Nous avons demandé au Procureur général de se déssaisir de ce dossier. Ce que j’attends aujourd’hui, c’est de voir ce qu’il va faire demain. Jusqu’à présent il disait qu’il pouvait s’accommoder d’un dossier au sein duquel on ne savait pas encore qui avait exactement fait quoi. Aujourd’hui, avec la décision de justice, entend-il toujours instruire ce dossier? J’espère qu’il aura le bon sens de s’en dessaisir spontanément.»

Bien que Caroline Babel Casutt soit entre-temps devenue juge au tribunal civil, et donc dessaisie de ce dossier, la question de l’intérêt de ce dossier se pose. Selon Me Meier, «la récusation est une décision et aujourd’hui il va falloir en tirer les conséquences. C’est notamment d’annuler les actes qu’elle a pu entreprendre, parce que par définition, ces actes-là ont été menés de manière partiale. Comment peut-on imaginer que le procès au Paladuim ait pu être équitable?» L’avocat vise désormais l’annulation du procès en première instance.