À Champ-Dollon, l'inaction face à la dignité bafouée des détenus
Marc Morel, coprésident de la section genevoise de la Ligue suisse des droits humains, dresse un constat cinglant. Il dénonce un système carcéral cantonal figé dans ses dysfonctionnements.
Entre surpopulation, détention provisoire abusive et conditions de détention indignes, l’approche actuelle est loin de répondre aux exigences d’un État de droit. Telle est la synthèse qu'établit Marc Morel.
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Selon lui, la surpopulation carcérale à Genève n’est pas le reflet d’une hausse de la criminalité. «C'est un problème qui n'est pas lié à une surcriminalité de la population, mais à un problème de surincarcération» souligne-t-il. Cette situation s’explique, entre autres, par un recours excessif à la détention provisoire, utilisée souvent pour des infractions mineures. Pourtant, le coprésident de la section genevoise de la Ligue suisse des droits humains rappelle que la loi prévoit que cette mesure soit appliquée en dernier recours, uniquement pour les crimes graves.
Recherchée: la dignité des détenus
Les prisons genevoises souffrent de conditions de détention déplorables, comme l’admet le canton lui-même dans ses propres rapports. À Champ-Dollon, où se mélangent détenus préventifs et condamnés définitifs, les normes internationales sont bafouées, constate Marc Morel. «L'accès aux soins des personnes détenues est catastrophique» déplore-t-il, en insistant sur les lacunes majeures concernant la santé mentale et l’encadrement psychosocial. Ces carences s’étendent aussi à l’accès à la formation et au travail, des droits pourtant fondamentaux pour les détenus.
À Genève, 74% des détenus sont des sans-papiers, révèle les rapports qui épinglent le canton sur sa politique pénitentiaire. Ce chiffre inquiète Marc Morel qui estime que la statistique traduit une politique carcérale détournée pour réguler l’immigration clandestine. «Les clandestins ne sont pas plus dangereux que les autres. [...] On fait des arrestations sur la base de la loi sur les étrangers», affirme-t-il. Cette pratique, couplée à des contrôles ciblés qu’il qualifie de «racistes», contribue à engorger un système déjà saturé.
Un appel à la réforme globale
Face à ces critiques, la réponse du canton depuis plusieurs années est claire: miser sur une expansion des infrastructures pénitentiaires. Une solution que Marc Morel juge inappropriée: «Ce n'est pas en multipliant les places de prison qu'on va résoudre les problèmes de surpopulation» martèle-t-il, rappelant que l’histoire a prouvé le contraire.
Pour le défenseur des droits humains, il est urgent de repenser la politique pénale et pénitentiaire dans son ensemble. «Si on continue comme ça, on va continuer d'incarcérer au mépris de la dignité des personnes détenues, et c'est tout simplement inacceptable», insiste-t-il. Il appelle notamment à une meilleure gestion de la détention provisoire, à des alternatives à l'incarcération pour les infractions mineures, et à une attention accrue aux droits humains en prison.
Malgré les échanges réguliers entre les organisations comme la Ligue suisse des droits humains et les autorités cantonales, la situation reste inchangée. «Est-ce qu'on a l'impression d'être entendus ? Pas vraiment» conclut Marc Morel, en référence aux deux récents décès survenus aux violons du Vieil hôtel de police – selon lui «évitables». Marc Morel est d'avis que Genève prenne ses responsabilités et place la dignité humaine au cœur de ses priorités pénitentiaires.