«Ils ont joué avec ma tête comme si c’était un ballon de foot»
Un jeune de 18 ans poignardé à mort à Thônex, des agressions sauvages à Saint-Jean, la violence des mineurs défraie la chronique. Un autre épisode de cette sinistre violence s'est déroulé en novembre dernier lorsqu'une bande de dix mineurs a agressé violemment un jeune habitant des Eaux-Vives. Témoignage exclusif.
La violence chez les mineurs s’intensifie à Genève et ne peut plus être ignorée. Il y a bien sûr la mort d’un jeune de 18 ans poignardé à Thônex. Mais aussi, en 2017, l’agression sauvage de Saint-Jean, dont l’un des agresseurs mineurs a récidivé deux ans plus tard, poignardant un homme à mort dans le parking des Charmilles.
Autre fait de violence inouïe, en novembre dernier. 10 mineurs agressent lâchement un jeune habitant des Eaux-Vives. Par miracle, selon ses médecins, il a pu s’en sortir, mais gardera des séquelles à vie. Six mois après les faits, il témoigne.
«Je ne me rappelle de rien, j'ai un trou noir complet de l'agression»
«Dans la rue, je ne me sens pas en sécurité. Je regarde toujours derrière moi.» Cigarette à la main, Paulo* marche d'un pas prudent dans les rues de son quartier des Eaux-Vives. Depuis l'agression en novembre dernier, le jeune homme de 18 ans revient souvent sur les lieux du drame à la rue Vollandes.
«Je reviens régulièrement pour essayer de me souvenir des coups, des blessures car je ne me rappelle de rien, raconte le jeune homme. J'ai un trou noir complet de l'agression. J'aimerais bien me souvenir», dit-il d'une voix calme et posée.
Les faits, Paulo* n'a aucun problème à les raconter. «De ce que l'on m'a dit, "J'ai voulu aller au bord du lac vers 18h30 pour fumer tranquillement une cigarette. Il y avait une bande de jeunes des Pâquis qui tournait. «tu viens d’où?» J’ai dit que je venais des Eaux-Vives. Ils n’ont eu aucun scrupule. Ils m’ont piétiné, fracassé. Une fois à terre, ils m’ont écrasé la tête. Ils ont joué avec comme si c’était un ballon de foot, témoigne le frêle jeune homme.»
Le lieu du drame, Paulo* ne peut y rester trop longtemps. Car très vite, il est envahi par une émotion qui lui serre le cœur. «C’est ici où j’ai failli perdre la vie. Ici, où tout a failli se finir. Ça fait mal, dit-il avec difficulté. Je me dis que ce n’est pas possible que pareille chose se passe à Genève».
Pronostic vital engagé, il reste 5 jours dans le coma
Sur le trottoir, Paulo* est laissé pour mort. Lorsque les secours le prennent en charge, son pronostic vital est engagé. Il restera cinq jours dans le coma. Huit mois après le drame, Paulo* va mieux, surtout grâce à sa famille.
Mais il a perdu 10 kilos et sa voix a changé après l’opération qu’il a subie aux cordes vocales à cause de l’intubation. Ses cheveux cachent aussi une grande cicatrice sur son crâne.
Dans sa vie au quotidien, les conséquences de l’agression sont encore bien présentes. «Je m’énerve pour un oui ou pour un non. Je suis très vite fatigué. Quand je ne dors pas assez, j’ai des douleurs au cerveau qui ne ressemblent pas à celles que l’on ressent quand on est fatigué. J’ai plutôt l’impression que l’on enfonce un clou profondément dans mon cerveau», confie-t-il entouré par sa mère.
Apprentissage et bientôt à l’AI
Professionnellement, c’est le coup d’arrêt. Il n’est pas en mesure de poursuivre son apprentissage d’électricien. Il sera bientôt à l’assurance invalidité (AI). «J’ai dû arrêter l’école car je n’arrivais plus à suivre. Maintenant je suis à l’AI où ils essaient de me faire suivre des séances de réinsertions et voir si je suis capable de suivre les horaires», explique Paulo*.
Toute sa famille est derrière lui pour le sortir de cette épreuve. Mais ce drame a durement touché tous ses membres. «Il oublie l’âge de son frère, mon âge aussi. Il y a des jours où je ne peux rien lui dire. Il y a de la colère. Et quand il est dans ces colères il dit des choses qu’il ne devrait pas, raconte la mère de Paulo*. On souffre tous. Ça c’est une réalité. Toute la famille souffre. Il y a des nuits où je ne dors pas, des jours où je ne mange pas. J’ai maigri de 6 kilos. C’est une situation très lourde.»
Les agresseurs en liberté
La justice doit juger les agresseurs de Paulo* devant le tribunal des mineurs. Les agresseurs, une dizaine de jeunes, tous mineurs au moment des faits, sont libres à part l’un d’entre eux deux d’entre eux, des récidivistes.
A la fin du mois d’avril, ils étaient incarcérés au centre de détention pour mineurs de la clairière. Selon nos informations, l’un d’eux a été libéré dernièrement.