Genève

Inquiétudes sur la gestion des affaires du procureur Pierre Aubert

29.02.2024 17h49 Julie Zaugg

Pierre Aubert

Le procureur Pierre Aubert, chargé d’enquêter sur l’affaire des écoutes à Genève, vient d’être aussi désigné comme expert dans l’enquête sur les cas d’abus sexuels à l’abbaye de St Maurice en Valais. Une nomination qui interroge et inquiète, alors que Pierre Aubert n’a pas avancé en un an dans l’affaire des écoutes, comme le révélait notre enquête

Après nos révélations sur l’absence de proactivité du procureur extraordinaire Pierre Aubert dans le dossier genevois des écoutes, naissent les inquiétudes. Pour l’avocat valaisan et ancien préposé à la transparence et protection des données, Sébastien Fanti,cette inaction pourrait remettre en question les autres mandats du magistrat… et la crédibilité de ce dernier. 

«Si effectivement pendant 12 mois on n'a rien fait, que l'on vient ensuite annoncer qu'on va prononcer une ordonnance de classement et que ce n'est que lorsque tout à coup on présente le dossier qu'on vient se défendre... se pose à mon sens la question de la récusation de ce magistrat extraordinaire. Je doute que la question ne surgisse pas dans les heures qui viennent, parce qu'on considèrera vraisemblablement que l'indépendance nécessaire n'est plus donnée, déjà du seul fait que ce magistrat a déclaré venir en aide a l'un de ses collègues», tonne l'avocat. 

Triple casquette problématique

Procureur général du canton de Neuchâtel, procureur extraordinaire dans une épineuse affaire d’écoutes à Genève et désormais chargé d’une enquête sur le scandale des abus sexuels au sein de l’Abbaye de Saint Maurice, en Valais. L’annonce de cette triple casquette a fait bondir Sébastien Fanti: «Je pense que ce doit être un surhomme! Moi j'en serais évidemment incapable, je le reconnais en toute humilité. Lorsque l'on multiplie les casquettes, le premier garde-fou, c'est soi-même» dit-il. 

Pierre Aubert est-il un surhomme? Nous n’avons pas pu lui poser la question, notre demande d’interview n’ayant pas eu de retour. En ce qui concerne l’Abbaye de Saint Maurice, c’est la première fois qu’il accepte un mandat privé comme celui-ci. Il s’exprimait hier sur l’antenne de la chaîne valaisanne Canal9 quant à cette fonction supplémentaire. 

«Naturellement, il ne faut pas abuser avec ce genre de services car nous avons passablement de travail par ailleurs!» exposait-il. Et dans ce cumul des fonctions, une nuance est à apporter: il agira en Valais en tant qu’expert et non magistrat. Avec des prérogatives différentes, donc: «La mienne sera de veiller à ce que si des faits non prescrits sont découverts, ils soient transmis à la justice pénale dans de bonnes conditions. Et je procèderai probablement moi-même à des auditions», relatait-il au micro de Canal 9. 

Changer la tête du Ministère Public?

Le magistrat doit-il être récusé comme avancé par l’avocat valaisan? Reste que Pierre Aubert a été choisi pour se pencher sur l’affaire des écoutes. Une nomination rendue possible, on le rappelle, grâce à la volonté de «rendre service à son confrère genevois», le procureur général Olivier Jornot. 

Son Ministère Public désormais mis en cause, d’autres voix s’élèvent, dont celle de l’UDC genevoise via un communiqué publié ce matin. «Si, comme il semble être le cas, il y a une culture d'entreprise au Ministère Public qui amène des pataquès aussi gros que ce que Léman Bleu a rapporté, il faut s'interroger sur cette culture d'entreprise et la nécessité de la changer. Au besoin en changeant la tête du Ministère Public», résume le député UDC Yves Nidegger. 

Le parti dit examiner d'ores et déjà toutes les options dans la perspective des élections judiciaires à venir.