Me Vincent Spira: «Cela donne une image de la Genève judiciaire monstrueuse»
Consterné, l'ancien bâtonnier Me Vincent Spira réagit aux révélations de Léman Bleu dans l'affaire des écoutes. Il observe un «sentiment de copinage» et une enquête factice au Ministère public.
«On cache, on ne dit pas, on ne cherche pas et on ne veut rien savoir; on couvre» résume Me Vincent Spira. Ses craintes initiales, survenues l'an dernier après le choc de la découverte de l'existence de ces écoutes se sont révélé «fondées», constate-t-il. L'avocat décrit l'enquête menée depuis une année comme «une enquête d'entre-soi, qui n'en est pas une».
La désignation d'un procureur extraordinaire ne s'est pas fait selon les règles, «le Ministère public genevois n'a pas instruit par délégation», analyse l'ancien bâtonnier qui ajoute: «C'est consternant, c'est terrible et cela donne une image de la Genève judiciaire absolument monstrueuse».
«On a le sentiment de copinage»
Au-delà des écoutes en elles-mêmes, c'est la «volonté de ne pas enquêter et de ne pas savoir» qui choque l'ancien bâtonnier. Il estime que les procédures n'ont pas été respectées dans cette affaire puisqu'aucune confrontation envers l’ex-procureure Caroline Babel Casutt n'a été menée.
Me Vincent Spira apparaît consterné face à l'immobilité et l'intention du procureur extraordinaire de classer cette affaire. «On a le sentiment de copinage [...] on a un procureur neuchâtelois qui dit "je vais rendre service à mon collègue genevois", ce n'est pas sérieux», déplore l'avocat.
Qui doit assumer les responsabilités de cette affaire? C'est à cette question que doit répondre le procureur extraordinaire Pierre Aubert. «Il y a toute une chaîne de responsabilités parce que le Ministère public ne s'arrête pas à la procureure qui instruisait le dossier. Il y a un premier procureur, un procureur général, ont-ils su? Ont-ils fait? Nous l'ignorons», affirme Me Vincent Spira. Il juge évidemment «impossible» pour le Ministère public genevois d'enquêter sur lui-même... à moins qu'il soit schizoprène, ironise l'ancien bâtonnier. Une enquête indépendante lui apparaît ainsi indispensable, à condition qu'elle soit faite «sérieusement, non pas comment cela se fait actuellement».
Un ordre des avocats aux abonnés absents
«J'ai trouvé l'ordre des avocats curieusement et désagréablement absent depuis le début de cette affaire.» L'ordre des avocats est là pour défendre ses membres. Lorsque violations des droits en préjudice de ses membres il y a, «l'ordre doit monter aux barricades et doit être omniprésent». Une réforme du pouvoir judiciaire est-elle souhaitable? Pas à encore Me Vincent Spira qui souligne que le pouvoir judiciaire fonctionne et que, malgré «un dysfonctionnement évident», il ne faut pas jeter l'eau de bain et le bébé avec.