Genève

Une idée d'un élu MCG fâche son parti et la classe politique

31.01.2025 08h05 Laure Lugon Zugravu

Des bassins séparés pour les femmes en burkini dans les piscines du canton? C’est le pavé dans la mare lancé mercredi par le député MCG au Grand Conseil, Skender Salihi, candidat au Conseil administratif de la Ville de Genève. Il s’exprimait sur notre antenne dans le cadre du débat le Poing, consacré au maillot de bain intégral. 

Mercredi, au débat du Poing consacré au burkini, Skender Salihi a évoqué l’idée de créer des espaces réservés pour celles qui voudraient porter le burkini. Depuis la semaine dernière, le sujet s’est invité dans le débat politique à la suite du vote du Grand Conseil: l’UDC, qui voulait interdire cette pratique dans les piscines publiques et privées du canton, n’a pas été suivi. 

La proposition de Skender Salihi a de quoi surprendre. Car elle va plus loin que la liberté réclamée par la gauche et qu’elle émane des rangs du MCG, un parti pas particulièrement attendu sur la défense d’un islam radical. Pour le député, cette proposition est une question de «bon sens», «si cela peut arranger tout le monde».

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Pour arranger tout le monde, c’est plutôt raté. Consternés, les ténors de son parti se sont clairement désolidarisés d’une telle idée, jugée communautariste. Ce qui sonne comme un désaveu à l’égard du candidat à l’exécutif de la Ville. 

Le MCG désavoue son candidat

Président du MCG, François Baertschi tient à remettre les pendules à l’heure: le MCG s’est toujours opposé au port du burkini dans les piscines. Une alternative serait les piscines des grands hôtels, mais ce n’est pas le rôle de l’Etat d’abriter des dames qui veulent aller en burkini.»

Le conseiller aux Etats Mauro Poggia rappelle que «les personnes qui veulent se baigner en bukini peuvent le faire dans le lac.» Il ajoute: «Dans les piscines, ce n’est pas l’image que doit  donner l’islam et ceux qui sont conscients de l’importance des signes que l’on donne ne peuvent pas soutenir cela.»

Pour Ana Roch, députée au Grand Conseil, «ça va au-delà de plaire ou non à un électorat. C’est quelque chose qu’on ne doit pas ouvrir dans notre canton. Faire de la ségrégation, peu importe pour qui ou pour quoi, est une très mauvaise idée.»

Quant à Amar Madani, député au Grand Conseil et candidat lui aussi au Conseil administratif, il a tenu à se démarquer de son colistier: «C’est du communautarisme, c’est un régime spécial. Or l’intégration n’aime pas les régimes spéciaux. La majorité silencieuse n’a jamais demandé ça. Je suis outré par l’importation d’un débat qui vient d’autres cieux.»

La gauche, pourtant largement favorable à la liberté de porter le burkini au nom de l’inclusion et de la non-discrimination des musulmanes, se montre aussi opposée à cette idée. Candidate socialiste au Conseil administratif de la Ville, Joëlle Bertossa tempère les ardeurs de Skender Salihi: «C’est une proposition ridicule, on n’a déjà pas l’espace pour ça. Je ne vois pas en quoi séparer les unes des autres changerait quoi que ce soit.» Quant à la question de fond sur la tolérance du burkini, elle ajoute: «Surtout, j’aimerais qu’on arrête de dire aux femmes comment s’habiller, et pourquoi cela dérange autant.»

Simon Brandt, conseiller municipal et candidat au Conseil administratif sous les couleurs Libertés et justice sociale (LJS), fustige aussi la proposition: Il faut plutôt viser le vivre ensemble que le communautarisme. Si demain les nudistes disent vouloir aller nus à la piscine et obtenir des créneaux horaires, on ouvre une boîte de Pandore et ça ne s’arrête jamais.»

A droite de l’échiquier politique, la proposition iconoclaste du candidat MCG fait l’unanimité contre elle. On y voit «une proposition dangereuse et inacceptable car elle ne prône rien de moins que le séparatisme», comme le résume Natacha Buffet-Desfayes, candidate PLR à l’exécutif de la Ville.