Genève

Scandale des écoutes: l’Ordre des Avocats sermonne le Procureur général

16.11.2022 16h59 Pascal Décaillet (DECAPROD), Jérémy Seydoux

En marge du scandale des écoutes illégales, l'Ordre des Avocats adresse une lettre particulièrement salée au Procureur général et à la Commandante de la police, que DECAPROD et Léman Bleu se sont procurée.
 
«Cet état de choses est inacceptable et n'aurait jamais dû survenir [...] Sa violation atteint donc gravement et irrémédiablement les fondements de la démocratie [...] Nous nous devons d'exiger du Ministère public et de la Police qu'ils établissent ou fassent établir les responsabilités et prennent des mesures concrètes pour que cet état de choses ne se reproduise plus jamais».
 
La lettre est signée par Catherine Hohl-Chirazi, Présidente de la Commission de droit pénal, et Miguel Oural, Bâtonnier. Elle fait suite à une séance du Conseil de l'Ordre largemment consacrée au scandale des écoutes, révélé il y a dix jours. 

«Les avocats de Genève sont accablés par ce qu’ils ont lu dans le fil d’actualité de la semaine passée, soulève face caméra Me Miguel Oural. La situation qui est décrite est inacceptable, puisque notre code de procédure pénale prohibe d’écouter une conversation entre un client et un avocat et de la retranscrire.»

«Perte de confiance institutionnelle»

La missive demande instamment que des rappels stricts soient formulés à l'ensemble de la Police et du Ministère public «qu'à tout moment et pour tout acte de procédure le secret professionnel de l'avocat doit être préservé et respecté». Un rappel exigé «vu l'ampleur des réactions et interrogations au sein de nos membres dont certaines sont le reflet d'une perte de confiance institutionnelle».

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«C’est la première fois que j’entends parler de ça dans une procédure pénale, témoigne Me Miguel Oural. Les magistrats et les policiers doivent respecter le code de procédure pénale. Ces écoutes n’auraient pas dû avoir lieu. Cela a entraîné chez moi un sentiment très bizarre, j’étais entre le choc et la surprise.»

Plus de cent heures d'enregistrements

Révélé en marge du procès des promotteurs, le scandale des écoutes illégales a mis au jour des pratiques d'enquête contraires au droit, soit l'enregistrement, l'écoute et la retranscription de conversations entre des avocats et leurs clients.

La procureure mise en cause dans cette affaire a, pour l'instant, entièrement chargé la responsabilité sur la police qui, elle, reste silencieuse. Mais cette version des faits est contestée pas plusieurs avocats interrogés. «Il faut que les procédures en cours arrivent à leur terme, établissent les éventuelles responsabilités afin que cela ne se reproduise jamais», glisse de son côté le bâtonnier. Ce dernier se dit favorable à l'arrivée d'un procureur extérieur à la juridiction pour superviser le dossier.

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