Genève

Éditorial: «Genève n’aime pas la transparence»

24.01.2024 19h30 Jérémy Seydoux

Jérémy Seydoux, rédacteur en chef, signe avec Lucie Hainaut l’enquête sur les porte-paroles du département de l’économie. Il revient sur les blocages de l'administration pour obtenir ces cahiers des charges.

Les cahiers des charges sont des documents administratifs et ne reflètent pas forcément les tâches effectivement réalisées. Pour cela, les courriels et les agendas sont plus éclairants. 

Mais il faut quand même dire qu’à la lecture des différents cahiers des charges, il n’est jamais fait mention de tâches électorales. Et la loi d’ailleurs est très claire en la matière, un employé de l’État ne peut pas, sur son temps de travail, être au service d’une campagne privée. Cela est de la responsabilité des partis, voire des collaborateurs personnels qui, eux, quittent leurs fonctions lorsque le magistrat s’en va. 

Et en cela, les cahiers des charges analysés ne permettent pas de jeter des soupçons dans tous les départements de l’État, sauf une fois encore au département de l’économie et de l’emploi, au centre de nos révélations d’août dernier où le mélange des genres était institutionnalisé, les risques connus et les limites quand même franchies. 

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La justice dira si infraction pénale il y a, la présomption d’innocence est de mise. En parallèle, une commission d’enquête du Grand Conseil et la Cour des Comptes devraient ces prochains mois rendre des conclusions et des recommandations pour que ces pratiques ne se reproduisent plus, car on parle quand même de l’argent du contribuable qui n’avait pas à être utilisé de la sorte. 

Des obstacles posés par l’administration

Nous aurions aimé proposer cette enquête au mois de septembre, mais c’était sans compter les obstacles rencontrés. La loi sur la transparence est en vigueur depuis 22 ans, et l’administration cantonale ne s’est toujours pas organisée en conséquence. Pire, elle ne veut pas le faire et pratique la rétention de documents, le dilatoire, le caviardage abusif, y compris pour des documents d’apparence très anodine, comme des cahiers des charges, qui sont des documents génériques. 

Qu’on soit clair. Genève n’aime pas la transparence, les risques politiques qu’elle implique et les dysfonctionnements qu’elle permet de révéler. Il y a un vrai rapport de force qui s’est installé, emprunt il faut le dire d’une confiance mutuelle écornée. 

Face aux questions légitimes de la presse et des citoyens, le sport favori c’est de faire durer les procédures, menacer d’émoluments, faire courir les délais de réponse le plus longtemps possible, voire même d’aller devant la justice. Bref, tout ce qui peut épuiser la presse, voire, encore mieux, faire oublier le sujet, est bon à prendre. Mais certains n’oublient jamais.